Promulguée le 22 mai 2019, la loi Pacte fête son 5ème anniversaire. Ce Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises a fait entrer définitivement dans le droit français les notions d’ »intérêt social », de « raison d’être » et de « société à mission ».
Dans cet article, Arnaud Bergero, Directeur Général de Goodwill-management répond à 3 questions en lien avec la qualité de société à mission.
Les auditeurs ont un rôle clé à jouer pour renforcer, crédibiliser et accompagner la montée en puissance des sociétés à mission.
1. A l’approche de la date anniversaire du statut de société à mission : où en est-on ?
La société à mission est une entreprise qui intègre le respect d’engagements sociaux et environnementaux dans ses statuts.
La qualité de société à mission fêtera, le 22 mai prochain, son 5ème anniversaire. Depuis, la barre symbolique des 1 000 sociétés à mission a été franchie. On parle aujourd’hui de 1 490 entreprises concernées par ce modèle, parmi lesquelles de nombreuses PME et quelques grands groupes. Ce chiffre est loin des 3 millions d’entreprises en activité en France. Pourtant, il ne faut pas y voir nécessairement un désamour mais plutôt l’attente d’une solidité, d’une crédibilité et de bénéfices qui restent à évaluer.
La dynamique est là. Il faut l’encourager en défendant un cadre sérieux et un audit rigoureux.
Force est de constater qu’une grande partie des sociétés à mission a moins de deux ans. Cela signifie qu’elles n’ont jamais été auditées. Quant aux pionnières, selon une étude récente de la Machine à Sens, seules 24% des sociétés à mission ont rendu public leur avis d’audit.
Ce statut doit encore faire ses preuves pour être plus largement adopté. Il lui faut démontrer sa capacité à être véritablement différenciant, sérieux et solide : des paramètres qui conditionnent son adoption et sa généralisation dans les prochaines années.
Faire un bilan à 5 ans de ce statut semble donc un peu prématuré. Laissons aux entreprises le temps de s’emparer de ce dispositif. Notons que l’avis d’audit, lorsqu’il est disponible, est positif dans plus de 3 cas sur 4.
2. Comment renforcer et protéger ce statut, selon vous ?
Société à mission un jour, ne doit pas signifier automatiquement société à mission pour toujours. Il en va de la protection et de la pérennité de ce statut. Que vaut une société à mission qui n’a pas été auditée ?
Devenir une société à mission, c’est accepter de faire vérifier sa mission par un auditeur tous les deux ou trois ans, en fonction de la taille de l’entreprise. A l’instar d’un audit comptable et financier, qui sert à évaluer la sincérité et la régularité des états financiers d’une société, il est bon de généraliser l’audit massif des sociétés à mission par des organismes tiers indépendants. Des tiers extérieurs chargés de vérifier l’exécution et l’atteinte des objectifs sociaux et environnementaux qui sont au cœur du modèle de société à mission.
Le choix de la qualité de société à mission ne saurait être un exercice de communication, un levier de marketing ou d’image. Ce statut s’adosse à un plan d’action et à des indicateurs précis. Il ne s’agit pas simplement d’un vœu pieux. Adopter ce modèle suppose un changement profond de la gouvernance et des statuts de l’entreprise. Dans ce contexte, les auditeurs sont des acteurs du renforcement de la qualité et de la montée en maturité de ce statut.
La bonne nouvelle, qui contribue au renforcement du modèle, est que le périmètre de ce qui est audité aujourd’hui ne se limite plus à la simple vérification de l’exécution et de l’atteinte des objectifs par l’entreprise. L’auditeur doit en effet désormais vérifier la cohérence de la mission, à savoir le lien entre la raison d’être, les objectifs statutaires et l’activité de l’entreprise. Il doit également s’assurer que le comité ou le référent de mission joue bien son rôle de questionnement stratégique et de suivi de l’exécution de la mission.
Dans un contexte où il n’existe pas de police de la société à mission, un audit systématique et plus exigeant vient renforcer l’identité, la singularité et le sérieux des entreprises qui font le choix de ce statut ; leur donnant ainsi un avantage comparatif et concurrentiel.
3. Qu’espérer pour l’avenir et la pérennité de ce statut ?
“Société à mission” en France ; “Società benefit” en Italie ; “Sociedad de Beneficio e Interés Colectivo (BIC)”, en Espagne : il y a une histoire à écrire au niveau européen, en défendant l’harmonisation du statut de société à mission.
Le cadre européen viendrait conforter et crédibiliser l’engagement des entreprises qui font de la prise en compte des défis sociaux et environnementaux une priorité.
L’horizon européen plaide également pour le maintien et l’harmonisation des pratiques d’audit. Ainsi, l’augmentation du périmètre d’intervention de l’auditeur participe de ce même mouvement vers une plus grande maturité de la société à mission. Véritable outil stratégique, ce nouveau modèle d’entreprise qui se donne pour objectif de contribuer positivement à la société ou à l’environnement, contribue aux transitions qui sont devant nous. Il faut s’en féliciter.