Attendue depuis l’annonce du Green Deal, la Commission Européenne a dévoilé le 14 juillet 2021 son paquet législatif « Fit for 55 » (« paré pour 55 »). Goodwill-management revient sur les principaux points de cette feuille de route, qui a pour but de faire des ambitions climatiques européennes une réalité.
Pourquoi ce paquet législatif ?
Cet ensemble de 12 mesures fait suite à l’annonce du 7 octobre 2020 du Parlement européen de l’objectif de neutralité climatique en 2050. Le nom « Fit for 55 » découle de cet objectif : réduire les émissions de GES de l’Union Européenne de 55% d’ici 2030.
Dans son communiqué, la Commission dit vouloir augmenter le degré de certitude pour les investisseurs et réduire les risques d’investissement dans des industries intensives en carbone. Ces investissements conduiraient en effet l’Union Européenne vers des trajectoires incompatibles avec l’Accord de Paris.
A quelques mois de la COP 26 prévue à Glasgow en novembre 2021, la Commission reconnait la responsabilité historique de l’UE, bien qu’elle n’émette que 8% des émissions actuelles. La Commission espère se positionner comme pionnière et encourager les membres de la communauté internationale à suivre son exemple.
Quelles sont les mesures phares du Fit for 55 ?
Conçu comme un plan d’action, Fit for 55 est un ensemble de propositions qui se font écho pour transformer l’économie européenne.
1. Réforme du marché du carbone européen
L’une des pièces maîtresse est la réforme du système d’échange de quota carbone européen (SEQE-UE). Depuis la mise en place du marché du carbone en 2005, les émissions de GES liées à la production d’énergie et aux industries les plus carbonées ont diminué de 42,8% depuis sa mise en place.
La commission abaisse le plafond total d’émissions autorisées et accélère le rythme de sa réduction à 4,2% par an. Le prix des quotas carbone devrait donc naturellement augmenter*. La Commission élargit également le périmètre du marché pour prendre en compte les émissions du transport maritime, qui n’y étaient pas soumises. Enfin, la réforme prévoit l’abandon graduel de l’octroi de quotas gratuits et la création d’un nouveau marché européen tarifiant les émissions des transports routiers et de la construction à l’horizon 2026.
De plus, la Commission demande aux Etats membres d’utiliser tous les revenus obtenus via le marché dans des projets à visée climatique et énergétique.
* En effet, les prix des quotas faisaient l’objet de critiques en raison de l’écart important entre le tarif d’une tonne équivalent carbone (22 € en moyenne en 2019) par rapport à sa valeur sociale cible estimée à environ 100€ par teq CO2.
2. Création d’un mécanisme d’ajustement de carbone aux frontières
Là où l’UE abordait le risque de délocalisation des émissions en donnant gratuitement des quotas carbone aux industries exposées aux risques de fuite, le paquet Fit for 55 introduit un nouvel instrument : le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).
Pour éviter que les acteurs européens ne soient désavantagés par rapport à des industries profitant de standards environnementaux moins stricts, la Commission prévoit de taxer les produits importés en fonction de leurs émissions de GES. Les importations concernées sont celles de fer et d’acier, de ciment, de fertilisants, d’aluminium et d’électricité.
Les importateurs devront acheter des certificats numériques en fonction de la quantité d’émissions de Scope 1 de leurs produits. Le mécanisme sera déployé en 2026, avec une période de transition entre 2023 et 2025 durant laquelle les entreprises devront seulement déclarer le niveau d’émissions importées via leurs produits.
3. Les ambitions du secteur de l’énergie revues à la hausse
La Commission réhausse l’ambition de ses objectifs de réduction d’émissions liés à la production et la consommation d’électricité dans l’UE, qui représente 75% de ses émissions de GES.
L’objectif concernant le poids des énergies renouvelables dans la production d’énergie est porté de 32 à 40%, ce qui oblige à accélérer leur déploiement. Les énergies renouvelables devront représenter 49% de l’énergie utilisée dans les bâtiments. Le paquet prévoit de revoir les critères de durabilité de la biomasse à la hausse, notamment pour la filière bois. Les Etats membres devront se doter d’objectifs spécifiques concernant l’utilisation d’énergies renouvelables dans le transport, le chauffage et la climatisation, les bâtiments et l’industrie.
La réduction de la consommation d’énergie sera guidée par la révision de la directive sur l’efficacité énergétique, qui fixera un objectif de réduction annuelle plus ambitieux. Le paquet propose notamment d’augmenter d’1,1% par an l’utilisation d’énergies renouvelables pour le chauffage et la climatisation des bâtiments. Les bâtiments publics devront être rénovés à un rythme de 3% par an.
4. Fin annoncée des voitures thermiques à l’horizon 2035
Le paquet Fit for 55 fixe un objectif ambitieux pour le secteur des transports. Le niveau d’émissions par kilomètre pour les voitures et vans neufs devra diminuer de 55% en 2030, contre 37,5 % actuellement et de 100% en 2035 par rapport à 2021. Les nouveaux véhicules entrant sur le marché en 2035 ne devront donc plus émettre de CO2.
Les réglementations à venir demanderont notamment aux Etats membres de développer les infrastructures nécessaires à cette transition : accès à des bornes de recharge électrique tous les 60 km et tous les 150 km pour les stations hydrogènes.
5. Réforme de la taxation sur les carburants
Fit for 55 propose de modifier la directive européenne sur la taxation des carburants pour l’aligner sur la politique climatique.
Il pourrait notamment être envisagé d’indexer les taxes sur leur niveau de pollution plutôt que sur leur volume, de modifier les prix planchers (inchangés depuis 20 ans) et de mettre fin à certaines exceptions qui favorisent les énergies fossiles, notamment pour le kérosène dans le secteur de l’aviation et les carburants pour le transport maritime.
6. Réforme de la politique forestière pour intensifier la capture de carbone sur le territoire européen
Le paquet fixe un objectif global d’absorption carbone par les puits naturels européens de 310 millions de tonnes de CO2, quand ces derniers en absorbent actuellement 286 Mt. La Commission appelle à planter au moins 3 milliards d’arbres d’ici 2030 pour atteindre cet objectif et renforcer la résilience du territoire européen. L’objectif global est d’atteindre la neutralité climatique dans l’utilisation des sols, la politique forestière et le secteur agricole d’ici 2035. Les Etats membres devront décliner cet objectif à l’échelle nationale.
7. Une attention particulière portée à la justice sociale
Les mesures annoncées auront comme répercussion certaine une augmentation de la tarification carbone, dans un continent où 7% des citoyens déclaraient ne pas pouvoir chauffer leur logement.
La Commission entend adresser ce risque en créant un nouveau fonds social pour le climat permettant aux Etats membres d’avoir accès à 72,2 milliards d’euros entre 2025 et 2032 pour soutenir les investissements des ménages vulnérables et des micro entreprises pour se tourner vers des alternatives décarbonées. Ce fonds serait financé par le budget européen et utiliserait 25% des revenus du marché du carbone s’appliquant aux transports et à la construction pour compenser notamment l’augmentation des prix des carburants. Le paquet prévoit également une participation des Etats membres pour assurer une transition respectant les exigences de justice sociale de l’UE.
La commission prévoit également de revoir les contributions nationales dans le cadre du partage des efforts entre les Etats membres. Les objectifs seraient indexés sur le PIB par tête des Etats membres pour éviter que les pays les plus riches ne reportent la charge sur les économies les plus polluantes.
Quelle faisabilité politique ?
Le paquet doit maintenant être adopté par les 27 Etats membres en suivant la procédure législative européenne. L’objectif a pour l’instant été fixé à 2023. La Commission fait face à un défi de taille compte tenu des répercussions attendues sur le pouvoir d’achat des européens et des secteurs émetteurs stratégiques comme l’automobile ou l’aéronautique. Plusieurs Etats membres, et secteurs d’activité ont déjà exprimé leur désaccord avec certaines des mesures avancées.
Les 27 Etats vont devoir s’engager dans une longue période de négociations, d’autant plus que les réformes de fiscalité nécessitent l’unanimité du Conseil pour être mises en œuvre. Or la course climatique a déjà commencé, dans une année marquée par des évènements climatiques catastrophiques et intenses aux quatre coins du globe.
Un défi dont la France devra se saisir lors de sa présidence de l’Union au premier semestre 2022. Une affaire épineuse, la France ayant déjà exprimé son scepticisme concernant l’élargissement du marché européen aux secteurs des transports. En effet, l’annonce d’une taxe carbone sur les carburants avait donné naissance au mouvement des gilets jaunes en 2018.
Pour aller plus loin
- Accompagnement RSE
- Mesurer la performance économique de la RSE
- Développer son impact positif avec la triple empreinte économique, sociale et environnementale (méthode de triple comptabilité)
- Matrice de matérialité
- Etude sur la maturité RSE des PME (2021), une publication Goodwill-management
- Etude sur les labels RSE (2019), une publication Goodwill-management
- Construction de référentiel RSE sectoriel
- Guides RSE produits par Goodwill-management pour Bpifrance
- Stratégie bas carbone
- Démarche Numérique Responsable et responsabilité numérique de l'entreprise
- Rapport intégré