
3 questions sur le voyage responsable
Peut-on continuer à voyager sans aggraver le dérèglement climatique ? Faut-il renoncer à l’avion pour être un voyageur responsable ?
Autant de questions qu’Antoine Payot, Chef de projet chez Goodwill-management, s’est posées… avant de se lancer dans une aventure concrète et collective. Avec Caroline Ducelliez et Tristan Girardon, il a co-réalisé LES PIEDS SUR TERRE, un documentaire sur le voyage bas carbone. À travers ce film, ils interrogent nos envies d’évasion, nos choix de mobilité, et surtout les imaginaires qui façonnent notre manière de découvrir le monde.
Dans cet article, Antoine répond à trois questions clés pour repenser nos pratiques touristiques dans le respect des limites planétaires.

Antoine Payot
Chef de projet senior
Goodwill-management
1. Faut-il arrêter l’avion pour voyager responsable ?
Oui. On ne va pas se mentir : l’avion reste l’un des modes de transport les plus polluants. Il représente 2,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre… et près de 5 % du réchauffement global. À titre de comparaison, l’avion émet 20 à 50 fois plus de CO₂ que le train.
Et ce n’est pas un petit sujet : 60 à 70 % des vols concernent des voyages touristiques (IATA, OMT).
Mais au-delà du climat, c’est aussi une question de justice sociale : 80 % des habitants de la planète n’ont jamais pris l’avion, alors même qu’ils sont les plus touchés par les conséquences du réchauffement.
👉 Renoncer à l’avion, c’est donc faire un choix à la fois écologique et solidaire.
Mais attention : voyager sans avion ne veut pas dire renoncer au voyage.
2. Comment s’y retrouver personnellement en voyageant autrement ?
Pourquoi partons-nous en voyage ? Pour se reposer, se dépayser, vivre une aventure, rencontrer l’autre, découvrir une culture, une histoire ou se recentrer sur soi…
Mais est-ce que tous ces besoins nécessitent vraiment de traverser la planète ? Prenons un exemple tout proche : les Alpes. On peut y vivre le dépaysement, la nature sauvage, le plaisir, la découverte, la contemplation… sans prendre l’avion.
La seule quête auquel il est difficile de répondre, c’est la découverte d’une culture présente à l’autre bout du monde. Il faut alors s’interroger :
- Est-ce qu’à chaque fois que je prends l’avion, je prends un temps suffisant pour découvrir une culture, voire m’immerger dans cette dernière ?
- N’y a-t-il pas de cultures plus proches, plus accessibles, que je ne connais pas et qu’il me tarderait de découvrir ?
Avant d’avoir exploré tout ce que l’on peut rejoindre en train, on a de quoi nourrir une vie entière de voyages. Et la littérature, les rencontres, ou la cuisine peuvent aussi devenir des portes d’entrée vers d’autres cultures.
3. Quels sont les pouvoirs des imaginaires sur notre manière de voyager ?
Changer nos habitudes de voyage, ce n’est pas qu’une affaire de volonté.
Selon Parlons Climat, 4 grands freins persistent :
- Le prix : parfois, voyager loin coûte moins cher.
- L’offre : il n’existe aujourd’hui pas suffisamment d’alternatives durables à l’avion. Les transports terrestres ne sont pas compétitifs en termes de vitesse.
- Le comportement des autres : « pourquoi faire l’effort de renoncer à l’avion si les autres ne le font pas ? »
- La valorisation sociale : voyager loin est aujourd’hui valorisant socialement dans la majorité des cercles sociaux. Il symbolise la réussite sociale. Par exemple, les voyages sont souvent mis en valeur dans les CVs !
Mais ce dernier point peut devenir un levier. Si collectivement, nous décidons qu’un voyage bas carbone, local ou lent est désirable, inspirant, valorisant, alors la tendance peut s’inverser.
Bonne nouvelle, ces nouvelles formes de voyage existent déjà : slow travel, micro aventures, voyage local…
À chacun d’inventer sa manière de voyager autrement, et surtout, de la partager ! Car une minorité active de 10 à 15 % peut suffire à faire basculer les normes sociales. C’est le fameux tipping point.