Au-delà de son impact environnemental, chaque déchet devrait être perçu comme une opportunité de création de valeur sur l’ensemble de son cycle de vie. La pression actuelle sur les ressources en matières premières et en énergie, ainsi que l’impact environnemental et sanitaire de la gestion des déchets est trop élevée. Elle ne nous permettent plus de continuer à appliquer une approche « end of pipe ». Cette approche consiste à agir de manière réparatrice en traitant la pollution en fin de processus. Pour combler les limites de cette approche, il convient plutôt d’intégrer la gestion des déchets. Ce peut être plus en amont (dès la conception du produit) et jusqu’à l’aval (le traitement du déchet proprement dit). Le présent article présente les impacts de la mise en place de solutions de gestion durable des déchets en termes de création de valeur pour les différents acteurs.
Une création de valeur pour l’entreprise
Par une réduction des coûts d’achat de matières premières
Pour un certain nombre d’entreprises, le coût principal de la gestion des déchets se situe avant les phases de collecte et de traitement. En intervenant dès la conception du produit et en réduisant les pertes tout au long de la chaîne de fabrication, une entreprise peut avoir un impact sur la réduction de ses approvisionnements en matières premières, et par conséquent de ses déchets.
Le coût des matières premières représente 40 à 60 % du coût de production des entreprises manufacturières en Europe. Il semble donc évident que des économies significatives peuvent être réalisées sur ce poste. D’autant plus que la plupart des ressources sont importées et limitées.
Par une réduction des coûts de gestion des déchets
Les coûts de collecte et de traitement sont en général facilement identifiés par les entreprises comme postes de création de valeur potentiels. Néanmoins, la réduction à la source ainsi qu’un meilleur tri des déchets ne sont pas toujours synonymes d’une baisse du coût de gestion des déchets pour l’entreprise. En effet, les tarifs pratiqués par les prestataires de collecte et de traitement des déchets, n’intègrent pas toujours une différenciation des tarifs par flux de déchets, ni de part variable dépendant de la quantité de déchets produits (contrats au forfait par exemple).
Néanmoins, comme l’illustrent les dispositifs d’aide à la mise en place d’un financement incitatif ou encore l’augmentation de la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) au programme de la prochaine loi de finances, les politiques environnementales se veulent de plus en plus incitatives en matière de prévention et de valorisation, afin de mieux prendre en compte les externalités négatives dues à la gestion des déchets.
Par la création d’un avantage concurrentiel
La gestion des déchets peut également apparaître comme un élément de différenciation vis-à-vis de la concurrence. En effet, la moitié des consommateurs déclarent ainsi être incités à fréquenter le point de vente dans lequel ils sont interviewés parce qu’il propose des produits dont les emballages sont consignés. L’exemple de la consigne est loin d’être un cas isolé. C’est ce que montre l’essor de la vente en vrac. Le nombre d’épiceries spécialisées en vrac sur le territoire national a été multiplié par 9 entre 2015 et 2018. De même, les consommateurs affirment prendre en compte le respect de l’environnement, au même titre que la praticité d’un produit, par exemple lors de l’achat d’un déodorant compressé.
Une création de valeur sur et pour le territoire
Limitation de l’impact de la pollution sur l’environnement…
Une mauvaise gestion des déchets peut être à l’origine de pollutions de l’air, de l’eau et du sol. Pour éviter cela, ils doivent être dirigés vers des installations de traitement adaptées. Bien que d’importants progrès aient été faits pour limiter les impacts environnementaux de la gestion des déchets, l’incinération et le stockage engendrent toujours des rejets dans l’air de gaz à effet de serre et de polluants. La production de matières premières de recyclage à partir de déchets a également un impact sur l’environnement. Mais en triant les déchets à la source et en dirigeant ces différents flux vers les filières de valorisation adaptées, l’entreprise agit sur la réduction de quantité de déchets enfouis ou incinérés. Elle réduit par conséquent les impacts environnementaux inhérents à ces modes de traitement.
… et des dépenses nécessaires à sa protection
Les externalités négatives engendrées par la gestion des déchets sont coûteuses et en général supportées par le territoire pour la protection de l’environnement. A ce titre, le Global Waste Management Outlook du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) de 2015 estime que les coûts globaux (santé, environnement) liés à la pollution de déchets déposés dans la nature ou brûlés à l’air libre s’élèvent entre 20 et 50 USD/personne/an, alors que le coût d’une gestion raisonnée reviendrait de 5 à 7 USD/personne/an .
En France, la gestion des déchets est le premier poste de dépense engendré par les activités de gestion de l’environnement. Avec 16,7 milliards d’euros dépensés en 2013, elle représente 35% des dépenses totales liées à la protection de l’environnement . Or, les dépenses relevant de la gestion des déchets concernent uniquement les activités de collecte, transport, traitement et élimination des déchets, sans y intégrer les dépenses liées aux externalités négatives. Ces dernières impactent à la fois l’environnement et la santé et sont encore mal connues, donc difficiles à estimer à l’échelle nationale.
Génération d’emplois locaux et non-délocalisables
Les activités de gestion des déchets sont à l’origine de création d’emplois sur le territoire. En France, 126 000 emplois (en équivalents temps plein) étaient liés en 2014 aux activités de gestion de déchets ou à celles de la récupération. Cette estimation regroupe les emplois publics et privés dédiés :
- à la collecte
- au traitement
- à la récupération des déchets
- aux emplois liés à la production d’équipements pour la collecte ou le traitement des déchets.
En termes de création d’emplois, le recyclage y contribue plus fortement que l’enfouissement ou l’incinération, et à un niveau de revenu plus élevé .
La production de déchets est l’aboutissement du cycle qui trouve son origine dans l’extraction de matières. En 2013, la consommation totale de matières en France s’élevait à 977 millions de tonnes, composées à 68% de matières non renouvelables . En faisant le choix d’un approvisionnement durable en matières premières pour la conception de ses produits, chaque entreprise peut ainsi limiter son empreinte environnementale sur le territoire.
Conclusion
La mise en œuvre d’une politique de gestion durable des déchets a un potentiel de création à l’échelle de l’entreprise même. Elle peut également l’être à l’échelle du territoire. Les impacts de la mise en place de telles solutions restent néanmoins très dépendants des contraintes locales. Elles dépendent à la fois de l’activité de l’entreprise, des exutoires disponibles sur le territoire ou encore des modalités de financement du service. Ainsi, plutôt que de reproduire les solutions mises en place par une entreprise, il est préférable de composer avec ses propres caractéristiques ainsi que celles de son territoire pour la mise en place de solutions durables.