RSE et réglementation
La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est définie par la Commission Européenne comme « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes. »
Il s’agit ainsi des actions qu’une entreprise choisit de mener, au-delà de ses obligations juridiques, pour contribuer aux enjeux du développement durable.
Mettre en place une démarche RSE, c’est donc aller au-delà de la loi, et du cadre légal qui régit les pratiques liées à la RSE. Une entreprise qui se contente d’appliquer les normes de l’Organisation Internationale du Travail sur le travail des enfants ou les obligations anti-corruption de la loi Sapin 2 ne peut donc pas mettre en valeur ces actions dans le cadre de sa démarche RSE.
Les entreprises sont ainsi relativement libres de choisir parmi les différents référentiels internationaux qui se sont développés pour structurer leur démarche RSE. Cependant, de plus en plus de pays, dont la France, choisissent de mettre en place une réglementation autour de la RSE, et notamment du reporting extra-financier. Il est donc important d’être au courant du cadre réglementaire et juridique applicable à votre entreprise.
2001-2016 : les prémices des lois françaises touchant à la RSE
La France est l’un des pays pionniers sur le cadre législatif lié à la RSE. Elle a été le premier pays à demander aux entreprises de rendre des comptes sur les conséquences sociales et environnementales de leurs activités, et a fait évoluer son cadre législatif pour qu’il reste pertinent au regard des nouvelles responsabilités des entreprises et des évolutions internationales.
Loi relative aux Nouvelles Régulations Économiques (loi NRE, 2001)
Avec cette loi, la France devient le premier pays à inscrire le reporting extra-financier dans le cadre légal. La loi NRE impose aux entreprises cotées sur un marché réglementé de présenter dans leur rapport de gestion annuel les conséquences sociales et environnementales de leurs activités.
Lois Grenelle 1 et 2 (2009-2012)
Les lois Grenelle renforcent l’obligation de communication des entreprises via :
- L’élargissement du nombre d’entreprises tenues de rendre compte de leurs activités. Sont désormais concernées : les sociétés cotées en bourse, les sociétés au chiffre d’affaires supérieur à 100 M€, et les sociétés de plus de 500 employés.
- La vérification des données extra-financières publiées par un organisme tiers indépendant (OIT).
Ces lois appuient la mise en œuvre de l’engagement pris par la France lors du Grenelle de l’environnement de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2050 comparé à 1990. La loi Grenelle 2 définit notamment six chantiers :
- Le bâtiments et l’urbanisme pour diviser par cinq la consommation d’énergie dans les constructions neuves en 2012 et favoriser les énergies renouvelables ;
- Les transports pour favoriser les transports collectifs urbains et développer des alternatives à la route pour le transport de marchandises ;
- L’énergie et le climat pour réduire de 20% des émissions de GES en 2020 ;
- La biodiversité pour préserver les espèces animales et végétales et leurs habitats ;
- La protection sanitaire et la gestion des déchets pour responsabiliser les producteurs de déchets ;
- La gouvernance de l’écologie pour développer le droit à l’information environnementale.
Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV, 2015)
L’article 173 de cette loi impose aux investisseurs institutionnels de communiquer sur la façon dont ils participent à la lutte contre le réchauffement climatique et sur leur prise en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leur politique d’investissement. C’est la première loi de ce type au niveau mondial. Cet article concerne également les sociétés cotées en bourse qui doivent consigner annuellement les efforts qu’elles réalisent pour atténuer les effets du changement climatique ainsi que les risques financiers qui y sont liés.
Loi sur le devoir de vigilance (2016)
En 2016, la loi sur le devoir de vigilance concerne les entreprises de plus de 5 000 salariés. Elle marque un nouveau tournant et replace la France à l’avant-garde de la réglementation touchant à la RSE. On demande aux entreprises non seulement de la transparence, mais un plan d’action. Elles doivent en effet mettre en œuvre tous les moyens possibles pour réduire les risques environnementaux, sociaux, ou de corruption, que ces derniers soient liés à leurs activités ou aux entreprises avec lesquelles elles ont des relations commerciales (fournisseurs et sous-traitants).
2017 : la déclaration de performance extra-financière
Le 19 juillet 2017, le gouvernement a publié une ordonnance transposant la directive européenne 2014-95. Cette ordonnance définit le cadre français sur le reporting extra-financier auquel sont soumises les entreprises.
Certaines entreprises françaises sont ainsi tenues de fournir une « déclaration de performance extra-financière ». Cette DPEF doit être insérée dans leur rapport de gestion et disponible librement sur leur rapport internet dans un délai de 8 mois à compter de la clôture de l’exercice et pendant 5 ans minimum.
Le dispositif est obligatoire pour les grandes entreprises (SA, SARL, Sociétés en commandite par actions). Sont donc concernées les sociétés cotées de plus de 500 salariés avec un total de bilan dépassant 20 millions d’euros ou un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros, les sociétés non-cotées de plus de 500 salariés avec un total de bilan ou de chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros, et les établissements désignés d’intérêt public par la directive (établissements de crédit, assurances, mutuelles et institutions de prévoyance).
Les entreprises concernées doivent alors fournir des informations sur le plan social, sociétal et environnemental en fonction de leur pertinence au regard des principaux risques ou des politiques menées par la société. Pour identifier ces risques, les entreprises peuvent s’appuyer sur une matrice de matérialité, qui permet de prioriser les enjeux RSE selon les risques liés à l’activité, les zones géographiques, et les attentes des parties prenantes. Les entreprises peuvent également s’appuyer sur des référentiels nationaux ou internationaux (GRI, ISO 26000…).
Cette déclaration doit être vérifiée par un organisme tiers indépendant agréé COFRAC. Ce dernier doit attester de la présence de la déclaration de performance extra-financière dans le rapport de gestion, et vérifier le contenu.
Si la publication de cette déclaration n’est pas obligatoire pour l’ensemble des entreprises françaises, elle permet aux entreprises engagées dans une démarche de RSE de rendre compte de la politique RSE menée et des impacts de leurs activités auprès de leurs parties prenantes, et peut être un outil de pilotage précieux de stratégie responsable.
2019 : l’inscription dans la loi de la RSE avec la loi PACTE
En mai 2019, loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) permet aux entreprises de montrer que les enjeux environnementaux et sociaux sont aussi au cœur de leur projet.
Le législateur part d’un constat : 51% des Français considèrent qu’une entreprise doit être utile pour la société dans son ensemble. Pourtant, la définition de l’entreprise en droit ne reconnait pas la notion d’intérêt social et n’incite pas les entreprises à s’interroger sur leur raison d’être.
La loi PACTE répond à ce constat en 3 volets.
Elle modifie l’article 1833 du code civil pour consacrer la notion jurisprudentielle d’intérêt social, c’est-à-dire l’intérêt de l’entreprise elle-même, par opposition à celui des associés. Cet article affirme ensuite la nécessité pour les sociétés de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux inhérents à leur activité.
CODE CIVIL modifié par la loi PACTE
- Article 1833 : » Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés. La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en compte les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. »
CODE DU COMMERCE
- Article L 225-35 : » Le conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en oeuvre, conformément à son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité.«
- Article L225-64 » Le directoire détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en oeuvre, conformément à son intéreêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activités. »
L’objectif est d’amener les dirigeants à s’interroger sur ces enjeux à l’occasion de ses décisions de gestion.
La loi modifie également l’article 1835 du code civil, pour reconnaitre la possibilité aux sociétés qui le souhaitent de se doter d’une raison d’être dans leurs statuts. Cette raison d’être est conçue comme « des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». La raison d’être n’es pas assortie d’obligations.
Enfin, la loi créée dans le code de commerce le statut d’entreprise à mission. Ce statut s’appuie sur la raison d’être et s’assortit d’obligations : définition d’objectifs précis et contrôle par un comité interne et un tiers indépendant. C’est une façon pour les entreprises les plus engagées de se contraindre légalement à respecter leur mission. C’est aussi perçu comme un « verrou juridique » qui peut aider à pérenniser la vision des dirigeants, y compris après un changement d’actionnariat.
La RSE permet d’anticiper la réglementation
Vous l’aurez compris : mettre en place une démarche RSE, c’est choisir d’aller au-delà du « simple » cadre contraignant. Se saisir de sa responsabilité sociétale implique donc de commencer par se mettre en conformité avec les différentes obligations juridiques et réglementaires qui peuvent incomber à votre entreprise, pour ensuite aller au-delà.
Cependant, le cadre réglementaire et juridique évolue régulièrement, et tend en France à rattraper les actions mises en place par les entreprises les plus engagées. Ce qui était hier une démarche volontaire (communiquer de manière transparente sur des activités sociales et environnementales) est devenu une contrainte pour certaines entreprises. Et le nombre d’entreprises concernées par ces obligations ne cesse d’augmenter. Agir maintenant pour sa responsabilité sociétale, c’est s’inscrire dans un mouvement qui prend les devants des futures évolutions réglementaires décidées en Europe et en France.